Souvenirs du futur

20051110

 

Crépuscule d'Alzheimer

Je repense à mon père qui aura vécu une petite dizaine d'année de moins que moi et qui, le jour précédent son décès m'a dit en parlant de la vie, sa vie : "Quelle merde…". Je me souviens parfaitement avoir été désemparé de le voir conclure plus de quatre-vingt ans par un constat si négatif d'une vie que j'avais en parti partagé et ce, à un titre non négligeable et qui, au travers de mon regard d'homme jeune -j'avais à l'époque une trentaine d'année- ne me semblait pas si mauvaise. Il me disait aussi, plus il avançait en âge, que la vie était courte. Ses dernières années furent tout de même très pénible pour lui mais aussi pour moi qui assistait impuissant à son crépuscule d'Alzheimer. Son esprit s'estompait dans d'épouvantables mélanges entre les époques et les personnes, de brusques et brefs retours à la réalité lui entrouvrait la vue sur le chaos qui s'était emparé de lui. La mort prématurée de ma mère rentrait aussi certainement dans son constat sans appel, amplifié par son athéisme de principe, donc difficile à assumé, -lui-même entouré de grenouilles de bénitier, dont ma mère faisait partie- qui lui refusait tout espoir de retrouvailles métaphysiques. Ce constat était-il aussi  causé par une philosophie nihiliste qui l'entraînait dans de sordides discussions de bistro où tout était pourri, et tout de plus en plus, car son nihilisme  se nourrissait d'une vision passéiste systématique. Mon père était un très bon photographe pour qui la photographie ne pouvait être qu'en noir et blanc. Il n'a jamais connu l'image numérique et je n'imagine même pas ce qu'il en aurait pensé. Il n'aurait pu supporter sa dématérialisation, n'y aurait pas survécu. Sa vie était passé trop vite, sans satisfaire assez de ses aspirations, probablement à cause d'un conformisme statutaire. Dire que mon père était conformiste aurait fait s'étouffer tous ses amis, pourtant son anticonformisme n'était qu'une apparence trompeusement suggérée par sa distraction sans limite doublé d'une infantilisassions matrimoniale chronique -ma mère était inspiré par un dévouement sacrificiel catholique, (vous rendez-vous compte, épouser un italien, athée, anarchiste!)- et par un métier artistique contrastant avec son milieu de petits bourgeois commerçants.

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