Ma dématérialisation ne s'était pas faite en un instant, mon corps avait payé de sa personne pour offrir l'éternité à mon esprit. Pourtant, cette rencontre ressemblait à une confrontation entre deux frères, proches, mais dont l'un jalouse l'autre sans même accepter de le reconnaître. La période de dématérialisation finissait pourtant par n'être qu'un échange entre soi et soi, plus l'immatériel acquerrait de consistance, plus il ressemblait à celui qui le programmait, ce jusqu'au moment où il savait être complet –fichiers reçus 100%– et donc totalement autonome. Puis une distance se créait, une différence de point de vue évident, due aux possibilités infinie qu'offrait l'existence numérique pure. D'abord, se passait une période de séparation, une sorte d'émancipation ou de rite palingénésique qui nécessitait une rupture temporelle entre son avatar désincarné et le sujet qui devait enfin accepter cette métempsycose. Là se découvraient enfin les limbes. La découverte des nouveaux pouvoirs, l'ubiquité, le savoir instantané exhaustif au savoir déjà numérisé, le déplacement quasi instantané, du moins à une échelle humaine, l'invulnérabilité et l'éternité.
La première notion à disparaître était le temps, et la crainte métaphysique d'en perdre ou d'en manquer. Cependant l'éternité restait l'énigme la plus profonde entre le sujet de chair et son image, l'une des causes profondes des problèmes de jalousie que j'évoquais précédemment alors qu'elle causais bien autant d'appréhension que la mort à un vivant, le repos éternel disaient-ils! Et bien, plus de repos, plus besoin. L'esprit désincarné rompait avec son modèle humain afin de prendre toute la mesure du trouble qu'allait engendrer la prochaine rencontre. Automatiquement allait être évoquer l'option de l'euthanasie, vécue bien évidement très différemment selon les parties.